Des nouvelles du dessin …

Chers lecteurs, en raison du Covid qui a envahi nos vies, j’ai mis au point pour vous, durant le confinement, un site par abonnement donnant accès à mes petites vidéos de dessin : savoir-faire, histoire de l’art etc.

Ces courtes vidéos explicatives vous permettront de ne pas vous priver de votre activité dessin, ou, pour les novices, de se jeter dans ce monde extraordinaire de l’Image, qu’on la crée, qu’on la copie, ou qu’on la contemple. Quant à moi, ces vidéos me permettent de continuer à partager ma passion, mon travail avec vous.

Alors laissez vous guider à cette adresse :

seanceatelier.sophie-desprez.com

Je vous rappelle que vous pouvez voir mon travail à cet endroit :

http://www.sophie-desprez.com

Et, enfin acheter mes reproductions dans cette e-boutique :

https://boutique.sophie-desprez.com/fr/

Pour finir, je publie mes photos ainsi que des infos culturelles et artistiques sur instagram et twitter dont vous trouverez les liens sur la page d’accueil de mon site de vidéos. A très bientôt ! 🙂

Inspiration

L’inépuisable* Nature nourrit l’imagination et actionne les mains des hommes depuis le commencement de notre présence.

*J’écris Inépuisable du point de vue des ressources formelles et non pas d’un point de vue ressource matérielle, comme la plupart des gens l’entendent aujourd’hui.

Ne pas s’en passer… comment m’en passer… // bijoux mérovingiens et un peu de la forêt du mont Ventoux, 25 octobre 2019.

Le Décaméron, Pasolini et moi

J’ai peint cette grande toile (120 x 80cm) après avoir regardé le film de Pasolini ; aujourd’hui elle se trouve chez mon fils qui l’a prise pour lui. Ma fille m’avait offert le livre de Boccace et quand j’y pense, je reste fascinée par le film qu’a su en tirer Pasolini, ce chef-d’œuvre esthétique absolu qui siège en belle place dans mon panthéon personnel. Un des grands amis de ma vie, aujourd’hui disparu, s’était écrié lorsque je lui dévoilais la toile que je venais d’achever :  » Oh ! elle en a des choses à dire elle… »

Oui, d’autant que nous sommes trois à l’avoir mise au monde…: Boccace, Pasolini et moi.

1350 environ. Imaginez une épidémie de peste noire dévorant l’Europe, imaginez un tiers de la population européenne disparue en cinq ans (1348-1353)… non en fait c’est inimaginable… En Italie, un homme de trente-cinq ans, se met à écrire un récit en prose. ‘Le Livre des dix journée’ s’ouvrant sur…’ le tableau apocalyptique de la peste, à la force grandiose et terrible, n’ayant rien à envier à la description de la peste d’Athènes chez Thucydide. Là, sept jeunes filles courtoises et trois jeunes hommes ayant conservé leur noblesse d’âme se retirent sur les pentes enchanteresses de Fiesole pour fuir la contagion de Florence, devenue une immense sépulture, et pendant deux semaines se réunissent à l’ombre des bosquets et se distraient chaque jour par le récit de dix nouvelles, une pour chacun, tantôt sur un sujet libre, tantôt sur un sujet fixé à l’avance pour tous, par la reine ou le roi de la journée...’ P.Laurens. – Voilà donc notre Boccace qui va écrire en un espace-temps (Fiesole – deux semaines- dix personnes) parfaitement circonscrit hors des griffes de la peste, des heures de liesse, d’amour, de sentiments et de pensée profonde pour subjuguer la mort absolue de la pandémie. Quelle saine et farouche réaction, comme un réflexe vital, pour ne pas « crever » tout à fait dans l’hécatombe en cours en y laissant sa raison, que de créer cet univers. Un univers où la vie ne craint rien. Et au fond que fait un créateur sinon s’enfermer dans un espace-temps qui lui est propre pour ne pas mourir d’effroi ?

Un prologue

J’étais cet enfant cruel et joyeux, qui pourchassait les lézards dans la rocaille brûlante, débusquait les truitelles sous les pierres plates des torrents, encageait grillons et sauterelles, froissait toutes choses entre ses doigts impatients. J’étais cet adolescent gauche, embarrassé de lui-même, qui quêtait le compliment de son père et pour cela s’évertuait à abattre perdreaux et faisans au débouché des haies, lièvres au sortir des chaumes, sangliers et chevreuils dans la paix matinale des sous-bois. Je suis devenu – par mégarde – cet adulte inattentif au monde, portant sur les choses un regard distrait et distant. Puis j’ai appris comme tout un chacun, un matin qui était loin d’être beau, la disparition des abeilles et des papillons et qu’il n’était plus de martres ni d’alouettes. Quelque chose en moi, le petit garçon d’autrefois peut-être, s’est mis alors à sangloter : apeuré, oui, honteux aussi.

Il y a près de deux ans, comme l’une de mes enquêtes m’avait mené en pays de mangroves, sur la côte nord-est de l’île de Bornéo, à mi-chemin des lagons où le corail se meurt et de la forêt tropicale qu’effilochent les plantations de palmiers à huile, je contemplai un univers à l’agonie, un monde à claire-voie dont les surfaces s’étiolaient, de toutes parts livrées aux outrages de l’entaille. Sols perforés, collines tailladées, écorces balafrées – et jusqu’au tégument marin couvert de cicatrices, maculé de sillons graisseux, de la glaire chimique des grands mollusques mécaniques qui rampent sur les océans, absurdement chargés de babioles luminescentes. Et puisqu’il me fallait planter le décorde l’histoire que je m’apprêtais à raconter, je me mis à observer, dans le détail de leurs troncs émaciés et de leurs ramées tourmentées, les grands êtres ligneux qui faisaient front. Comme le pélerin que la vue d’une source rappelle à sa soif, j’éprouvai soudain mon incapacité à décrire au plus près de leur texture, au plus juste de leurs teintes, les frondaisons ajourées. Moi qui avais disserté sur tant de palais jusque dans le détail de leur bossage, la verdure me laissait sans voix. Comment camper en une phrase le galbe d’une palme, l’échancrure d’un branchage ? De quelle façon mot à mot, rester dans le ton d’un buisson ? Le peintre sait bien, lui, qu’une feuille n’est jamais seulement verte, qui use de jaune et de blanc pour rendre l’éclat de la lumière qui s’y prélasse.

Car les mots nous manquent pour dire le plus banal des paysages.Vite à court de phrases, nous sommes incapables de faire le portrait d’une orée. Un pré, déjà, nous met à la peine, que grêlent l’aigremoine, le cirse et l’ancolie. Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi. Au temps de Goethe et de Humboldt, le rêve d’une ‘histoire naturelle’ attentive à tous les êtres, sans restriction ni distinction aucune, s’autorisait des forces combinées de la science et de la littérature pour élever ‘la peinture d’un paysage’ au rang d’un savoir crucial. La galaxie et le lichen, l’homme et le papillon voisinaient alors paisiblement dans un même récit. Aucune créature, aucun phénomène ne possédait sur les autres d’ascendant narratif. Comme les splendeurs les cruautés se valaient. Équitablement audibles, les douleurs appelaient d’unanimes compassions. Ce n’est pas que l’homme comptait peu : c’est que tout comptait infiniment.

Mais à rebours de l’antique savoir des surfaces, pour qui la raison tenait dans un regard, contre la connaissance par assonances, qui se contentait d’effleurer les êtres pour recueillir sur leurs ailes et leurs pétales les lois de leur présence, ont œuvrés ceux qui voulaient à tous prix être profonds, ceux qui désiraient aller au fond des choses, quitte pour cela à les éviscérer. Le parti de l’entaille l’a peu à peu emporté sur l’art du détail, et avec lui la loi des ensembles, qui conduit souvent à ne plus penser que par cheptels. Le temps n’est plus – mais la tendresse a ses saisons – où d’aucuns faisaient promesse et profession de croquer le monde au cas par cas, s’efforçant de saisir les choses dans l’éclat de leur apparition, ourlées de la dentelle de l’instant, à jamais singulièrement belles.

L’un des grands portraitistes de la nature avait posé son chevalet à Bornéo même, à deux pas – quelques centaines de kilomètres – de l’endroit où je me tenais. À écouter Alfred Russel Wallace faire récit de la jungle en chacune de ses aspérités, sans omettre aucune des existences qui la trament, on s’aperçoit que mille mots nous font défaut pour dire nos forêts, et surtout que si nous ne savons plus aimer les êtres naturels, c’est que nous ne savons plus les nommer. Le syrphe, la prêle, le chabot nous sont devenus étrangers. Effrayé déjà par les villes sans verdure, Jean Tardieu écrivait en 1951, au temps où il y avait encore des hannetons, des machaons, et des bouvreuils :

Mais je veux avouer, je veux être présent Je nomme les objets dont je suis l’habitant Ne me refusez pas ma place dans le temps. Car si je me connais je sais ce qui me passe Si je vois ma prison je possède ma vie Si j’entends ma douleur je tiens ma vérité.

À chacun son métier : j’ai suivi le conseil du poète, mais à la manière de l’historien, et me suis mis en quête de cette langue perdue – moins d’ailleurs pour la recouvrer que pour renseigner la chronique de son oubli.

La traque m’a mené plus loin, mais aussi plus près que je ne m’y attendais – de la Prusse du XVIIIe siècle à la France des années 1930, de Goethe à Francis Ponge, des fjords du Spitzberg aux palus du pays picard. Car bien que brisé par le divorce de l’art et de la science, puis réduit en miettes par les chamailleries de leurs rejetons, le rêve de ma description juste et joyeuse du monde n’a jamais pris fin. Hantant les naturalistes, les poètes et quelques philosophes, il a perduré jusque dans les premières décennies du XXe siècle – amenant alors certains à tenter, pour la dernière fois peut-être, de faire le portrait du monde en ses surfaces. Romain Bertrand – Le détail du monde – l’art perdu de la description de la nature. Seuil – 2019

… Je me demande : et si l’image photographique d’aujourd’hui ne faisait pas le lien – post-divorce – entre l’art et la science ? Elle nous permet de faire le portrait du monde et de le partager d’une façon si démocratique que c’est bien la première fois dans l’histoire : Instagram par exemple, pour ne citer que ce réseau des plus emblématiques sur la question. Ne sommes-nous pas nombreux à, vaille que vaille et coûte que coûte, délivrer nos messages d’images photographiques sur l’état de sa surface, comme autant de minutiers du monde ? Beaucoup de choses se perdent et disparaissent, jusqu’à nous-mêmes bientôt très probablement, mais y -aura-t-il jamais eu dans l’histoire de l’humanité autant d’images photographiques partagées et donc vues ? Autant de personnes obnubilées quotidiennement par l’acte photographique ultra technicisé au point d’être connecté au monde en permanence pour le partager sans cesse ? …

Fixation

On dit souvent que la photographie fixe l’éternité. Une photographie pose sur un support matériel -et maintenant aussi virtuel- un regard, par essence éphémère et sans attache, à part la volonté de mémoire de celui qui regarde. Même si on la retouche, la recadre, la remonte, elle n’en demeure pas moins une fixation du temps éternelle, ou l’idée qu’on se fait de l’éternité – elle est une fixation d’éternité. Je suis toujours troublée quand je considère que tout ce que je vois, et donc prends pour argent comptant dans un premier laps de temps, sur une image photographique, une vidéo, un film, est déjà révolu, disparu, absent, voire mort et il me faut alors réorganiser la notion de mon propre temps entre ce que je vois sur l’image et ma réalité. Quelle étrange folie que ce balancement incessant, ce réajustement imparable qui tarde parfois à venir quand on se perd dans l’espace-temps clos d’un film par exemple et qui se solde par un sentiment d’une nostalgie absolue, qui cesse quand on revient à la minute présente. C’est aussi fou à considérer que lorsqu’on me dit que la lumière de tel ou tel objet céleste m’arrive avec le retard lié à la vitesse de la lumière, que, ce que je contemple là, est déjà révolu. (Il doit y avoir aussi une vision inscrite dans le futur, mais comment l’appréhender sans repère ? ) L’image photographique nous fait prendre pour un dieu, un maître du temps, tout comme l’écriture et l’imprimerie ont à leur époque dû repousser les limites de la puissance de la pensée au point de se croire l’égal d’un dieu.

 »…Les valeurs esthétiques en jeu en photographie sont les mêmes que celles de l’art contemporain en général : une exploration consciente et exacerbée des possibilités formelles du médium, la référence au cadre d’une tradition vivante, la recherche sans trêve de l’innovation avec, en contrepoint, un très mince contenu de réalité qui sans cesse se dérobe. Au fond toute la difficulté avec l’image photographique est qu’elle semble  »transparente ». Elle  »semble » nous donner les choses mêmes, alors qu’elle nous donne seulement une relique avec , en supplément, elle-même, en tant qu’image. Les objets semblent pousser à travers elle, mais nous ne voyons jamais, selon le mot de Garry Winogrand, que  »ce à quoi ils ressemblent quand ils sont photographiés ». L’expérience spécifique de regarder une photographie consiste dans ce changement rapide, incessant et même brutal, de référence. C’est quelque chose d’analogue à buter de la tête contre une vitre qu’on n’aurait pas vue, comme dans les photographies de Lee Friedlander. Le regard est contraint de revenir de la chose à ce à quoi elle ressemble quand elle est photographiée, puis à la photographie elle-même et enfin à lui-même comme œil qui regarde. Le contenu est une image, cette image elle-même comme chose, et enfin notre manière de regarder l’image et la chose. L’invention d’un art est en fait celle d’un nouveau type d’objet et d’une forme instable du regard. » Yves Michaud – Formes du regard, Philosophie et photographie. 1995.

L’image photographique a au moins autant d’impact sur la représentation du monde, la représentation de soi-même et l’idée du temps que l’imprimerie qui permet de propager l’écriture – la pensée- à l’infini.

Sans doute l’image photographique telle que nous la vivons, la faisons, la subissons aujourd’hui nous permet-elle de ne pas avoir peur de ce que nous ne maîtrisons pas. Mort, sens, fonction.

J’écris ces lignes aujourd’hui car, pour la première fois à 15h -heure française-, un trou noir a été photographié par tous les plus gros téléscopes terrestres mis en réseau. Pour la première fois nous faisons une image photographique de ce qui par définition, est sans matière et sans lumière, juste détectable à sa périphérie parce qu’à l’intérieur il ne comporte RIEN… Magie ?

En Camargue, réserve intégrale : flamants roses, cigogne, hirondelle, ciel, eau 07-04-19

Le neuf et beau musée de Nemausus

Regardons de plus près vers les visages antiques maintenant….

Voilà, pour cette visite… et ce qui m’a semblé remarquable. Je n’ai pas mis les photos des objets romans que j’ai prises (une beauté inimaginable après l’austérité romaine), ni celles des taureaux (que Picasso a vu, j’en met ma main au feu), ni encore celles d’un relief en marbre orné de rinceaux d’acanthes peuplés d’oiseaux…. Ce sera pour un autre sujet ! 🙂