Miroir

Ce qui m’attache le plus, quant à moi, dit Sylvestre, c’est la nature vivante, le mobile vêtement terrestre. Je ne me suis jamais lassé d’étudier avec le plus grand soin la nature différente de chaque plante. Les végétaux sont le langage le plus direct du sol ; chaque nouvelle feuille, chaque plante particulière, c’est quelque secret qui cherche à s’exhaler et qui, plein d’amour et de désir, ne pouvant faire un mouvement ni prononcer un mot, devient une plante silencieuse et paisible ! Lorsqu’on trouve une pareille fleur en pleine solitude, n’est-ce pas comme si tout se transfigurait autour d’elle et comme si toutes les petites chansons ailées choisissaient près d’elle leur lieu de prédilection ?

On voudrait pleurer de joie et, séparé du monde, enfoncer les pieds et les mains dans la terre pour y prendre racine et ne plus jamais s’éloigner de ce bienheureux voisinage…

Sur tout notre monde avide est étendu ce vert et mystérieux tapis de l’amour. Il se renouvelle à chaque printemps et son écriture singulière, comme le langage des bouquets en Orient, n’est lisible que pour un amant…

Il peut éternellement la lire sans se lasser et chaque jour il trouvera, dans cette amoureuse nature, des significations nouvelles, des révélations meilleures. Cette jouissance inépuisable, voilà le charme secret qu’a pour moi le voyage sur la surface de la terre : chaque contrée résout de nouvelles énigmes et me laisse toujours deviner davantage d’où vient notre route et où elle va.

Novalis – Heinrich von Ofterdingen // Hépatiques, narcissus jonquilla et potentilles, Lubéron & monts de Vaucluse 24-03-19

Nous y voilà !

Voilà enfin l’équinoxe , (celle qui fait mal au dos et à la colonne vertébrale soit dit en passant), qui change l’ordre dans la lumière et ses ombres en passant par l’égalité du jour et de la nuit (ça ferait un beau programme politique tiens). Je rêve de voir la Terre d’assez loin (mon syndrome Thomas Pesquet ?) pour assister à cette danse mécanique, pour voir la ligne de lumière et d’ombre s’avancer en même temps qu’elle tourne et qu’elle change la direction de son axe. Allons, je ne peux rien de mieux qu’un ver de terre ou un pissenlit, j’assiste et je ressens d’étranges sensations, d’étranges troubles. Printemps. Mon cinquante-quatrième équinoxe comme autant de passages au cap Horn et toujours le même réconfort ressenti après ces heures plongées dans la nuit, ces journées de courte lumière, mêlées de froid et de nuages bas à maudire le froid, l’hiver et tous ses saints… A la tienne mon Printemps !