Silence

Le silence des plantes en hiver m’inquiète toujours parce que quoi qu’on en pense, elles ne sont pas mortes ni vraiment endormies.

Ce bric à brac de l’hiver est en réalité un reflet de la géométrie du vent. Quand pas un être vivant (homme, bête ) ne s’occupe de placer-déplacer ce qui est sur le sol, dans un lieu sauvage, le vent est le seul à le faire. J’imagine une terre vide de pas, une planète de plantes uniquement. Chaque couche stratigraphique n’emprisonnerait qu’une chose : la place des éléments selon cette géométrie des vents qui est loin d’être aléatoire et hasardeuse.

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« Merci Sophie me cria le corbeau, mais j’ai besoin de partir.

C’était la première fois que j’entendais ces paroles dans cette gorge là. Et ça ne m’a pas plu ce son différent, triste et péremptoire. Il n’appelait personne. Il ne chantait pas. S’en aller simplement, je crois pour toujours.

27.01.19 – Mur de la peste.

Vrac d’un dimanche d’hiver dans les collines

Nuages d’argent, vent d’ouest. Le mont Ventoux disparait dans les nuages, demain il sera blanc ? La mare naturelle est gelée…même les bulles en elle ! il fait si froid ! J’aime quand les arbres poussent à deux. On croit voir à chaque fois, quelque chose qu’on pourrait déceler avec nos mots d’humains. Le corbeau et le pinson des arbres, seuls émettent le signal : la pluie s’est abattue sur nous quelques minutes après. 27.01.19, mur de la peste.

Deux mondes

Deux mondes ! — L’un est dans l’espace, Dans les ténèbres et l’azur, Dans l’étendue où tout s’efface, Radieux gouffre ! abîme obscur ! Enfant, comme deux hirondelles, Oh! si tous deux, âmes fidèles, Nous pouvions fuir à tire-d’ailes, Et plonger dans cette épaisseur D’où la création découle, Où flotte, vit, meurt, brille et roule L’astre imperceptible à la foule, Incommensurable au penseur ; Si nous pouvions franchir ces solitudes mornes, Si nous pouvions passer les bleus septentrions, Si nous pouvions atteindre au fond des cieux sans bornes Jusqu’à ce que la fin, éperdus nous voyions, Comme un navire en mer croît, monte, et semble éclore, Cette petite étoile, atome de phosphore, Devenir par degrés un monstre de rayons ; S’il nous était donné de faire Ce voyage démesuré, Et de voler de sphère en sphère, A ce grand soleil ignoré ; Si , par un archange qui l’aime, l’homme aveugle, frémissant, blême, Dans les profondeurs du problème, Vivant, pouvait être introduit ; Si nous pouvions fuir notre centre, Et forçant l’ombre où seul Dieu entre, Aller voir de près leur antre Ces énormités de la nuit ; Ce qui t’apparaîtrait te ferait trembler, ange ! Rien, pas de vision, pas de songe insensé, Qui ne fût dépassé par ce spectacle étrange, Monde informe, et d’un tel mystère composé Que son rayon fondrait nos chairs, cire vivante, Et qu’il ne resterait de nous dans l’épouvante Qu’un regard ébloui sous un front hérissé ! O contemplation splendide ! Oh ! de pôles, d’axes, de feux, De la matière et du fluide, Balancement prodigieux ! D’aimant qui lutte, d’air qui vibre, De force esclave et d’éther libre, Vaste et magnifique équilibre ! Monde rêve ! idéal réel ! Lueurs ! tonnerres ! jets de soufre ! Mystère qui chante et qui souffre ! Formule nouvelle du gouffre ! Mot nouveau du noir livre ciel !

Victor Hugo – Les luttes et les rêves , Les contemplations // Dimanche 22 janvier 2019, à Strasbourg.

Janviers croisés

On dit qu’en Bretagne il pleut quatre jours sur trois, ce qui ne laisse guère de temps pour autre chose. Eh bien, c’est peut-être ma chance, mais nous sommes en plein mois de janvier, et le ciel est prodigieusement bleu. Le ciel est bleu, mon manteau est bleu, ma chemise est bleue, mon blue-jean franciscain est bleu, et une flamme bleue, elle aussi, éclaire vivement mon cerveau d’idiot.Je suis un diable bleu et le soleil est perché sur mon épaule, riant comme l’enfer. À voyager ainsi, où est-ce que je vais ? Nulle part. Je traverse bien des lieux de l’esprit, péniblement quelquefois, pour n’aller nulle part. Nulle part c’est difficile, mais j’y arriverai un jour. nulle part, c’est partout, c’est parmoi. Et moi, qui suis-je ? Un signe de l’infini; quelque chose comme un zéro.

Kenneth White – Dérives // Plage Napoléon, bécasseaux sanderling 12 janvier 2010.