L’oubli et la mémoire des lieux

On vit. Au hasard des naissances, selon la nécessité des travaux. On habite des lieux dont on ne sait souvent rien tant l’indifférence est peut-être devenue le seul bien commun, l’unique communauté d’une absence en laquelle nous errons ou résidons parfois, ignorant le nom des chemins qui si longtemps conduisirent chacun vers l’accomplissement d’un destin certes borné, et dont la maigre mesure à nos yeux paraît être le fruit d’une indigence autant spirituelle que matérielle, mais qui n’effaçait pas tout à fait la réalité d’un sens.

On est seul au fond. Sans lieu. Sans durée. On a peur. Si peur que vivre ici, vivre ailleurs, vivre somme toute n’importe où, n’a plus aucune importance.

La trame du temps, celle de l’espace sont défaites. On rêve alors quelquefois. Ou l’on ne rêve plus. On ne se souvient plus que de l’oubli qui nous accable.

Lionel Bourg – L’oubli et la mémoire des lieux // Plaine d’Alsace, août 2019 – Lit de l’Ouvèze, septembre 1992 (photo Claude-Michel Desprez) – Massif des Cèvennes août 2019.

Le dernier rivage – On the beach

Une fois n’est pas coutume je vais présenter ici un film américain. Il date de 1959 et je pense qu’en son temps, vu le nombre de prix qu’il a récolté (1960), il a eu un impact retentissant… mais vite oublié, si j’en juge par son absence de programmation puisque je n’en avais jamais entendu parler ni personne autour de moi… pas plus que du roman.

Est-ce parce qu’il s’agit de la fin du monde ?

Une catastrophe nucléaire par armes de guerre a eu lieu et la Terre est irradiée. Les habitants sont tous morts, à l’exception des Australiens sauvés pour un instant par la distance géographique ; sur place, les scientifiques prédisent l’arrivée des radiations sur le continent dans un délai de cinq mois. Avant cette date fatidique de mort annoncée, on partage « la vie » d’un groupe de personnages.. je n’en dis pas plus, il faut voir et découvrir « Le dernier rivage ». Et pour deux raisons : d’abord parce que l’image en noir et blanc est absolument sublime, les acteurs Gregory Peck, Ava Gardner, Anthony Perkins et tous les autres, y sont très touchants et filmés de façon remarquable et que l’histoire est plus que d’actualité. Je ne cacherai pas qu’à son issue j’ai été chamboulée et très sombre. Le climat et l’ambiance actuels sur Terre laissent prévoir une fin plutôt rapide de l’humanité dans un contexte très conflictuel et très injuste entre les personnes, les pays privilégiés et les plus démunis, sur fond de désertification générale et de destruction quasi intégrale du vivant par dérèglement continuel depuis au moins 50 ans. Ce film m’a fait l’effet d’un premier reflet de miroir.

La fin de notre monde n’est plus une fantasmagorie de collapsologue, une science-fiction de plus pour amateur, un frisson sur écran, une théorie scientifique qu’on peut minimiser et plus grave encore, la question n’est plus de savoir si c’est vrai ou pas. Nous sommes déjà dans le processus rapide de la fin à moyen terme de ce qui a été, de la vie sur Terre… 20,30,50 ans… ?

Il ne nous reste plus qu’à voir notre environnement disparaitre en soutenant ce qui le peut et en insufflant encore les principes de justice et de respect de la vie à ceux qui vont rester. On nous avait prévenu, on n’a pas écouté. « There is still time .. brother »