Peuple grec peuple roi peuple désespéré
Tu n’as plus rien à perdre que la liberté
Ton amour de la liberté de la justice
Et l’infini respect que tu as de toi-même
Peuple roi tu n’es pas menacé de mourir
Tu es semblable à ton amour tu es candide
Et ton corps et ton cœur ont faim d’éternité
Peuple roi tu as cru que le pain t’était dû
Et que l’on te donnait honnêtement des armes
Pour sauver ton honneur et rétablir ta loi
Peuple désespéré ne te fie qu’à tes armes
On t’en a fait la charité fais-en l’espoir
Oppose cet espoir à la lumière noire
A la mort sans pardon qui n’a plus pied chez toi
Peuple désespéré mais peuple de héros
Peuple de meurt-de-faim gourmands de leur patrie
Petit et grand à la mesure de ton temps
Peuple grec à jamais maître de tes désirs
La chair et l’idéal de la chair conjugués
Les désirs naturels la liberté le pain
La liberté pareille à la mer au soleil
Le pain pareil aux dieux le pain qui joint les hommes
Le bien réel et lumineux plus fort que tout
Plus fort que la douleur et que nos ennemis.
Paul Éluard