Ce qui m’attache le plus, quant à moi, dit Sylvestre, c’est la nature vivante, le mobile vêtement terrestre. Je ne me suis jamais lassé d’étudier avec le plus grand soin la nature différente de chaque plante. Les végétaux sont le langage le plus direct du sol ; chaque nouvelle feuille, chaque plante particulière, c’est quelque secret qui cherche à s’exhaler et qui, plein d’amour et de désir, ne pouvant faire un mouvement ni prononcer un mot, devient une plante silencieuse et paisible ! Lorsqu’on trouve une pareille fleur en pleine solitude, n’est-ce pas comme si tout se transfigurait autour d’elle et comme si toutes les petites chansons ailées choisissaient près d’elle leur lieu de prédilection ?
On voudrait pleurer de joie et, séparé du monde, enfoncer les pieds et les mains dans la terre pour y prendre racine et ne plus jamais s’éloigner de ce bienheureux voisinage…
Sur tout notre monde avide est étendu ce vert et mystérieux tapis de l’amour. Il se renouvelle à chaque printemps et son écriture singulière, comme le langage des bouquets en Orient, n’est lisible que pour un amant…
Il peut éternellement la lire sans se lasser et chaque jour il trouvera, dans cette amoureuse nature, des significations nouvelles, des révélations meilleures. Cette jouissance inépuisable, voilà le charme secret qu’a pour moi le voyage sur la surface de la terre : chaque contrée résout de nouvelles énigmes et me laisse toujours deviner davantage d’où vient notre route et où elle va.
Novalis – Heinrich von Ofterdingen // Hépatiques, narcissus jonquilla et potentilles, Lubéron & monts de Vaucluse 24-03-19