Cerisaie

Varia – Le soleil s’est déjà levé, il ne fait pas froid. Regardez, ma bonne maman, quels arbres merveilleux ! Mon dieu, l’air pur ! Les étourneaux qui chantent !

Gaev (il ouvre une autre fenêtre) – La cerisaie est toute blanche. Tu n’as pas oublié, Liouba ? Cette longue allée qui va tout droit, tout droit, comme une ceinture tendue, elle brille dans les nuits de lune. Tu te souviens ? Tu n’as pas oublié ?

Lioubov Andreevna (elle regarde la cerisaie par la fenêtre) – Ô mon enfance, ma pureté ! C’est dans cette chambre d’enfants que je dormais, c’est de là que je regardais la cerisaie, le bonheur s’éveillait avec moi, tous les matins, et elle était exactement comme aujourd’hui, rien n’a changé. (Elle rit de joie.) Blanche, toute blanche ! Ô ma cerisaie ! Après l’automne humide et sombre, après les neiges de l’hiver, tu es jeune à nouveau, tu es pleine de bonheur, les anges du ciel ne t’ont pas quittée… Si je pouvais ôter de ma poitrine et de mes épaules cette lourde pierre, si je pouvais oublier mon passé !

Gaev – Oui, et cette cerisaie, on la vendra pour dettes, aussi bizarre que cela puisse paraître…

Lioubov Andreevna – Regardez, notre pauvre maman qui marche dans la cerisaie… en robe blanche ! (Elle rit de joie.) C’est elle.

Gaev – Où ça ?

Varia – Dieu vous pardonne, ma bonne maman.

Lioubov Andreevna – Personne, une vision. A droite, en tournant vers la tonnelle, ce petit arbre blanc qui penche, il ressemble à une femme…

Anton Tchekov – La cerisaie. // Sur mon chemin confiné, 26 mars 2020.

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