Bluette

Je suis partie , ça va sans dire, j’ai passé ma vie à ça, pour des tonnes de raisons impérieuses en tête, tristes souvent. Je n’ai jamais eu peur, même au pire de moi-même. J’aurais dû me trouver seule c’est certain, à force d’être absente on finit par vous perdre du fil des jours qui se suivent sans vous. Je n’ai rien réclamé, demandé, ni même rêvé, aujourd’hui encore, parce que rien ne m’a jamais appartenu. Mais tu es là, tu n’as jamais cessé d’être là, près de moi.

Sur la route, vers Strasbourg, octobre 2020.

Shamash

‘… Il voit devant lui un jardin merveilleux dont les arbres portent des pierres précieuses au lieu de fruits il voit les rubis, les cornalines, les lapis-lazuli qui pendent en grappes leur vue est agréable et réjouit le cœur, il voit aussi l’épine et la ronce qui portent des pierres précieuses et des perles de mer.

Le dieu Shamash apparaît à Gilgamesh et lui dit :


« Où vas-tu Gilgamesh ? la vie que tu cherches tu ne la trouveras pas. »

Gilgamesh dit au grand dieu Shamash : « Lorsque je serai mort la défaite n’envahira-t-elle pas mes entrailles ? Me voici, par peur de la mort errant dans le désert moi-même ne vais-je pas me coucher pour ne plus jamais me lever ? Ô laisse mes yeux contempler le soleil ainsi je serai inondé de lumière. L’obscurité se retire lorsque la lumière éclate ô que celui qui est mort puisse voir l’éclat du soleil ! »

L’épopée de Gilgamesh, Shamash Le dieu-soleil, traduit et adapté par Abed Azrié // Sur la montagne d’Albion, 18-08-19.

Arcane

… /… Et moi alors Qu’est-ce que je cherche Quel pouvoir à dérober au destin Quel bouleversement qui fasse De la montagne et du labyrinthe De la source et du gouffre Un éblouissement si physique et si pur Une noce où embraser encore Les paradis vécus …/…

André Velter – Arcane -extrait- , L’amour extrême // Sous-bois , Baronnies, 9-06-19

Sensation

Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :

Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,

Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, – heureux comme avec une femme.

Rimbaud, Sensation // Sur mon chemin, au-dessus d’un champ de blé sans pesticides, les hirondelles. 8-05-19

Et pourtant on est si fier d’avoir des enfants. (Mais les hommes ne sont pas jaloux.) Et de les voir manger et de les voir grandir. Et le soir de les voir dormir comme des anges. Et de les embrasser le matin et le soir, et à midi. Juste au milieu des cheveux.

Quand ils baissent innocemment la tête comme un poulain qui baisse la tête. Aussi souples comme un poulain, se jouant comme un poulain. Aussi souples du cou et de la nuque. Et de tout le corps et du dos. Comme une tige bien souple et bien montante d’une plante vigoureuse. D’une jeune plante. Comme la tige même de la montante espérance. Ils courbent le dos en riant comme un jeune, comme un beau poulain, et le cou, et la nuque, et toute la tête. Pour présenter au père, au baiser du père juste le milieu de la tête. Le milieu des cheveux, la naissance, l’origine, le point d’origine des cheveux. Ce point juste au milieu de la tête, ce centre d’où tous les cheveux partent en tournant, en rond, en spirale. Ça les amuse ainsi. (Ils s’amusent tout le temps.).

Ils s’en font un jeu. Ils se font un jeu de tout. Ils chantonnent , ils chantent des chansons dont on n’a seulement pas idée et qu’ils inventent à mesure, ils chantent tout le temps. Et du même mouvement ils reviennent en arrière sans s’être presque arrêtés. Comme une jeune tige qui se balance au vent et qui revient de son mouvement naturel. Pour eux le baiser du père c’est un jeu, un amusement, une cérémonie. Un accueil. Une chose qui va de soi, très bonne, sans importance. Une naïveté. À laquelle ils ne font seulement pas attention. Autant dire. C’est tellement l’habitude. Ça leur est tellement dû. Ils ont le cœur pur. Ils reçoivent ça comme un morceau de pain. Ils jouent, ils s’amusent de ça comme un morceau de pain. Le baiser du père. c’est le pain de chaque jour. S’ils soupçonnaient ce que c’est pour le père. Les malheureux. Mais ça ne les regarde pas. Ils ont bien le temps de le savoir plus tard. Ils trouvent seulement, quand leurs yeux rencontrent le regard du père. Qu’il n’a pas l’air de s’amuser assez. Dans la vie.

Charles Péguy – Le porche du mystère de la deuxième vertu – nrf // La couronne boréale et hippocrépide en ombelle 04-2019

Histoire de pétales

Vous me demandez pourquoi je perche sur la montagne bleue ; Sans répondre, je souris, le coeur en paix : Fleurs qui tombent, eau qui coule, tout s’en va et s’efface… C’est là mon Univers, différent du monde des humains.

Le sommeil de printemps ignore volontiers l’aurore, Çà et là, on entend partout le chant des oiseaux. La nuit, au bruit du vent et de la pluie, Combien de fleurs sont tombées sans qu’on le sache !

Quatrains T’ang 1. Li Po 2. Mong Hao-Jan // Sur mon chemin 12-03-19

Je porte le soleil dans ma coupe d’or, La lune en un sac d’argent.

Viens que je te chante à l’oreille, Les jours dansants ne sont plus Qui portaient soie et satin. Accroupis-toi sur la pierre, Enveloppe ce sale corps Dans un haillon aussi sale. Je porte le soleil dans ma coupe d’or, la lune en un sac d’argent.

Maudis si tu veux je te chante Tout le chant, puisque peu importe Si celui qui te donnait joie Et les enfants qu’il te fit Dorment quelque part comme loirs Sous une dalle de marbre Je porte le soleil dans ma coupe d’or, la lune en sac d’argent.

Aujourd’hui même j’ai pensé, Midi sonnant à l’horloge, Qu’homme n’a rien à prétendre Qui s’appuie sur un bâton Mais qu’il peut chanter, chanter Jusqu’à tomber, que ce soit Devant la jeune ou la vieille, Je porte le soleil dans ma coupe d’or, La lune en un sac d’argent.

W.B Yeats – Quarante-cinq poèmes, traduit par Y.Bonnefoy. // Sur ce chemin, c’était hier, le 10 mars, quelques rencontres remarquables en les narcissus jonquilla et ces deux jeunes chênes, puis la fleur de lune de Véro, un talisman nouvellement arrivé près de moi et qui m’a fait choisir ces deux phrases de Yeats :  »Je porte le soleil dans ma coupe d’or, La lune en un sac d’argent ». En rédigeant ces lignes, en choisissant ces photos, j’écoute des airs d’André Jolivet, violoncelle, hautbois et voix… tout s’accorde ici…

Green is the colour of her kind

Heavy hung the canopy of blue
Shade my eyes and I can see you
White is the light that shines
through the dress that you wore
She lay in the shadow of the wave
Hazy were the visions of her playing
Sunshine on her eyes but
moonshine beat her blind everytime
Green is the colour of her kind
Quickness of the eye deceives the mind
Many is the bond between the
hopefull and the damned – Roger Waters – in More

…on voit les traces des petites palmes… les couloirs qui mènent aux nids 🙂
Pink Floyd

canal d’eau du Rhône île de l’Oiseley 17-02-19 // pâquerette des bois dans les Alpilles 24-02-2019

Dors bien…

Rien de ce que l’homme chérit N’a plus d’une heure ou d’un jour. L’amour rassasié rejette Son amour, la brosse du peintre Va dévorant ce qu’il rêve. Et le cri du héraut, le pas Rythmé du reître consument L’un sa gloire, l’autre sa force : Oui, toute la flamme qui troue La nuit qu’amasse dans l’homme Ce brandon résineux, le cœur.

W.B Yeats, La résurrection – la seconde chanson, II -, 1927.